

Posté le 24/09/2018 2279 lectures | ||
Hélène Bessette : une écrivaine qui n’appartient pasClaudine Hunault | ![]() | |
Cette communication a été prononcée dans le cadre du colloque intitulé Hélène Bessette : l’attentat poétique qui s’est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 20 au 27 août 2018, sous la direction de Julien DOUSSINAULT, Claudine HUNAULT, et Cédric JULLION. Il se passe une chose étrange avec Hélène Bessette (1918–2000): Gallimard publie de 1953 à 1973 treize de ses romans dans la collection blanche. Les plus grands noms de l’art et de la littérature (Beauvoir, Dubuffet, Duras, Leiris, Queneau, Paulhan, Sarraute) reconnaissent là une œuvre résolument moderne. Dans L’Express du 2 janvier 1964, Marguerite Duras évoque "la rareté extrême du talent dont [l’œuvre] témoigne" et déclare: "La littérature vivante, pour moi, pour le moment, c’est Hélène Bessette, personne d’autre en France". Malgré cela, les exemplaires s’épuisent, l’oubli gagne. Si l’œuvre ne s’est pas imposée en son temps, est-ce une question d’écriture, de style? Est-ce une question sociale, une question d’appartenance? Pourquoi Queneau voit-il en elle une "écriture orpheline"? Claudine Hunault met en jeu dans toutes ses réalisations la charge poétique du mot et la puissance de la lettre. Qu’elle forme des chanteurs ou des acteurs à la présence scénique ou qu’elle soit elle-même en scène, elle développe un travail sur le verbe dans ses innombrables acceptions, cherchant à travers lui, à attraper des bouts de réel. Cette quête lui a fait rencontrer des écritures aussi rares que celles de Maurice Blanchot ou Hélène Bessette. Elle intervient dans de nombreux colloques sur les champs croisés de l’art et de la psychanalyse. Elle mène avec le musicien Cédric Jullion des recherches sur une écriture texte/musique. Résumé de la communication Ici la femme est omniprésente dans tous ses états et Hélène Bessette n’est pas féministe. Les modes d’oppression exercés par un capitalisme mercantile transpirent dans tous ses romans et Hélène Bessette ne se dit pas socialiste. Son écriture s’impose des contraintes, avance d’hypothèse en hypothèse, le chiffre voisine avec la lettre et Hélène Bessette n’est pas oulipienne. Hélène Bessette invente un roman nouveau et elle ne fait pas partie du Nouveau Roman. Bessette n’adhère pas, ne se rallie pas, ne se soutient d’aucun mouvement, d’aucun parti, d’aucune cause. Elle avance seule avec une foi inextinguible dans la puissance de l’écriture, de son écriture. Il s’agit de faire œuvre, c’est-à-dire se risquer à être. Ce n’est pas un jeu. C’est une détermination. Quelles sont les conséquences de cette non appartenance ? En quoi ce choix lui a-t-il permis d’inventer sa propre langue et de la défendre malgré le silence autour d’elle, malgré l’isolement ? L’exigence poétique dans l’élaboration du roman serait-elle une défense pied à pied du Territoire et de la Vérité de la Personne face au mensonge de masse et à "l’ordre de l’urgence" ? |